Ce processus a pris beaucoup de temps, il fallait à la fois trouver une esthétique et des solutions techniques pour assurer la solidité de l’ensemble.
L’arbre scandinave a été le premier à voir le jour. Ma réflexion a tourné autour de l’idée de l’arbre. Aujourd’hui on vend des « arbres à chat » qui n’ont plus rien d’un arbre.
J’ai voulu retourner à la forme primaire de l’arbre pour élaborer le design d’un vrai ARBRE à chat cette fois. Les croquis ont été nombreux avant m’arrêter sur une forme de base.
Le rôle de mes chats
Mes chats ont joué un grand rôle dans le quotidien la conception d’Eden et Mitaine. Ils sont à la fois les sources d’inspiration du projet, les références pour la conception et les premiers testeurs.
Eden m’a beaucoup aidée pour prendre les mesures idéales. Son caractère calme et bonne pâte en tant que persane me permettait de prendre les mesures autour d’elle, vérifier l’écartement entre les marches, l’entrée de la maisonnette, la taille des plateformes…
Mitaine m’a permis de confirmer que les chats se sentaient en sécurité en hauteur dans la maisonnette, comme dans un cocon.
Chaque fois que je voulais choisir un matériau, je prenais plusieurs références et je les proposais pendant quelques jours à mes chats, pour le griffoir par exemple, je l’ai fait valider par mes chats. J’ai également pratiqué ce test pour le choix des mousses des coussins, j’ai disposé les différents coussins les uns à côté des autres et j’ai attendu de voir où ils choisissaient de s’installer le plus souvent.
J’ai créé un premier prototype assez grossier pour vérifier toutes mes mesures. J’ai ensuite dû apprendre la modélisation 3D pour pouvoir créer ce modèle en numérique et pouvoir l’intégrer à des intérieurs décorés.
Ces visuels 3D me permettaient de communiquer sur le projet auprès des banques, de participer à des concours pour faire connaître le projet également. De manière générale, j’avais besoin de visuels pour montrer la différence de design que je proposais par rapport à ce qui se vendait à ce moment-là.
S’en est suivi un dossier de financement construit avec un comptable et un passage devant plusieurs commissions d’attribution de prêts d’honneurs, plusieurs banques pour trouver les bons partenaires. Mais ce travail de montage de dossier à bien payé et j’ai pu démarrer mon entreprise avec les fonds nécessaires pour continuer la recherche et trouver un fabricant capable de faire des séries.
Il a tout de même fallu une sacrée énergie pour défendre le projet qui prêtait à sourire pour beaucoup de professionnels. J’ai donc dû redoubler d’effort sur la présentation du projet et m’appuyer sur des éléments chiffrés, concrets.
Il a fallu affronter des personnes qui réagissent de manière parfois dédaigneuse face au projet, je me souviens encore d’un entretien avec une conseillère dans une banque qui m’a dit : « Ah bon parce que ça joue un chat ? »
Euh ok… On part de loin !
Je me souviens être sorti de cet entretien épuisée mais j’ai tout de même réussi à les convaincre. Au final, c’est moi qui ai eu le choix entre les différentes banques qui étaient ok pour suivre le projet.
En parallèle, je souhaitais également proposer un modèle plus adapté aux décorations modernes et industrielles. Je voulais mélanger les matières et créer un modèle bois-métal. N’ayant pas les connaissances techniques sur les contraintes du métal, je me suis appuyée sur un bureau d’études proche de Rennes qui m’a aidée à concevoir ce deuxième arbre. L’idée était de garder le même principe de modularité en changeant tous les systèmes de fixations puisque les matériaux n’étaient pas les mêmes.
Puis j’ai travaillé avec une entreprise de menuiserie bretonne spécialisée dans l’élaboration de prototype. Ils ont permis la réalisation d’un prototype complet, il a également fallu trouver une entreprise spécialisée dans le tournage bois équipé en numérique car la précision des assemblages ne tolérait pas de marge d’erreur.
Durant tout le projet la recherche de fabricants a été une grosse partie du travail, les pièces sont complexes en termes de fabrication et nécessitent des compétences et des équipements importants.
Ces premiers prototypes ont permis de donner vie au projet Eden et Mitaine, avoir enfin devant soi un mobilier sur lequel on travaille depuis plusieurs mois a quelque chose de grisant. J’ai pu organiser le premier shooting photo pour mettre en valeur ces arbres et vérifier les améliorations à apporter avant de fabriquer la série.
J’ai voulu profiter de ce premier shooting pour mettre en valeur une association et c’est Moustache et Cie qui a bien voulu se prêter au jeu avec Michoko, un jeune chat noir et blanc, qui nous a fait un vrai show sur l’arbre Indus !! Cela me permettait de profiter de la campagne de communication que j’allais faire pour mettre un coup de projecteur sur une asso.
Voir pour la première fois Eden et ce chat mis en scène sur les arbres était vraiment une première concrétisation du projet !
Et la communication sur celui-ci devenait plus facile, grâce aux photos. J’ai créé tous les comptes sur les réseaux sociaux d’Eden et Mitaine, Page Facebook, Instagram, Pinterest, LinkedIn, Twitter (j’ai très vite arrêté ce dernier, je n’étais vraiment pas à l’aise avec ce réseau et on ne peut pas tout faire).
Le lancement
L’étape suivante était le lancement de la campagne de crowdfunding, (financement participatif). Un gros travail de communication pour une marque complètement inconnue mais cela a permis à de faire repérer la marque par TF1, avec l’émission « La vie secrète des chats », le groupe M6 avec William à midi sur C8. Ainsi que l’émission « Les 100 premiers jours des chatons » sur TFX. C’était une riche expérience de découvrir les coulisses de tout ça !
Cette campagne a permis de lancer la marque, trouver les premiers clients et récolter une somme permettant de contribuer au lancement de la première série.
En parallèle je fréquentais assidûment les réseaux d’entrepreneurs de ma région à la fois pour rencontrer de nouveaux entrepreneurs et pour nourrir cette énergie d’entreprendre. Les échanges avec les autres entrepreneurs sont très importants, rester isolé fait stagner. Une situation problématique peut se débloquer d’elle-même en l’expliquant à d’autres, parce qu’on la voit sous un autre angle et rencontrer d’autre entrepreneurs, c’est rencontrer des gens qui sont dans cette même énergie.
J’ai donc pu trouver une entreprise qui avait les capacités requises et qui acceptait de me suivre dans le projet. Cependant il fallait adapter le modèle à des méthodes de fabrication industrielles, s’en est donc suivi une longue période d’aller-retour avec la partie bureau d’étude de cette entreprise et l’élaboration d’une pré-série destinée à valider le modèle et régler toutes les machines.
Tous ces aller-retours ont pris beaucoup plus de temps que prévu, là où je prévoyais un an pour le lancement, j’en ai mis 3 ! J’ai mis toutes mes économies dans ce projet et je travaillais à temps partiel dans mon précédent poste de temps en temps pour pouvoir continuer à alimenter ce projet.
Le plus difficile a été de trouver un compromis entre des coûts de fabrications qui sont élevés et des tarifs acceptables pour les clients. Oui ces mobiliers ont un coût, mais ce sont de véritables mobiliers ouvragés et durables. La fabrication française est également l’une des raisons de ce coût mais le fait de valoriser des savoirs-faire français me tenait à cœur.
Mais le site d’Eden et Mitaine est maintenant en place et la commercialisation est lancée depuis fin 2019, la première série de fabrication d’arbre à chat scandinave est entièrement écoulée et la série Indus disponible depuis septembre est déjà bien lancée. Les Etats-Unis se montrent très intéressés par les produits et j’ai déjà pu en envoyer à Chicago, Peaks Island, San Fransisco.
Il y en a même un qui est parti en Corée du Sud.
Je lance une deuxième série un peu plus grosse d’ici la fin de l’année et j’ai de nouvelles idées en cours de gestation. Eden m’a encore montré la voie de mon prochain mobilier que je veux plus accessible au grand public cette fois, accessible à tous les budgets.
Il est important pour la pérennité d’une entreprise de toujours être capable de se remettre en question, il faut de la souplesse pour pouvoir rebondir en cas d’imprévu, d’obstacles. C’est ce que j’essaie de faire au quotidien…
Suite au prochain numéro de Subway Press…