L’association CODE ANIMAL partage ses expériences avec ACDA.
ACDA (Au cœur du droit des animaux), en tant que « jeune » collectif est honoré
d’avoir interviewé la Présidente de l’association Code animal, association renommée.
Nous remercions Alexandra, Présidente de cette dernière, pour sa confiance et le temps
accordé.
1) Bonjour Alexandra, pouvez-vous me raconter comment est née votre association ?
Code Animal a été fondée en 2001 par Franck Schrafstetter et son équipe et reprise en 2018
par Alexandra Morette et son équipe.
Elle a été créée pour faire un parallèle intellectuel entre l’utilisation d’humains dans des temps
passés où l’esclavagisme était admis et normalisé via notamment des écrits tels que le Code
Noir et l’exploitation toute aussi normalisée et admise d’autres êtres vivants que peuvent faire
des industries aujourd’hui. La différence est l’espèce cette fois. D’où le terme de Code
Animal. Nous recherchons à mettre en question les discriminations et mécanismes
idéologiques sur lesquelles elles reposent pour déconstruire notre regard sur les autres
animaux et les écosystèmes en général.
Nous nous sommes spécialisés dans la relation entre l’espèce humaine et les autres animaux,
plus particulièrement au travers de la captivité, que ce soit dans les cirques, dans les zoos, les
delphinariums ou chez les particuliers en ce qui concerne les dits nouveaux « animaux de
compagnie » (NAC), soit les particuliers détenant des animaux sauvages chez eux.
L’association défend donc l’idée de respect de tout être vivant, qu’il soit humain ou non.
Nous sommes la seule association en France uniquement spécialisée sur les problématiques
liées à la captivité de la faune sauvage.
2) Alexandra, vous qui êtes Présidente de l’Association Code Animal, quel est votre
parcours personnel et professionnel ? Qu’est-ce qui vous a incité à travailler dans ce
domaine ?
Cela fait 6 ans maintenant que je milite pour le droit des animaux et 3 ans que je suis
présidente de l’association Code Animal où je me suis focalisée sur les animaux sauvages
exploités pour les divertissements dans les cirques, zoos et chez les particuliers ainsi que les
problématiques connexes comme le trafic. Je me suis toujours posé la question de la moralité
dans l’exploitation des autres êtres vivants. Par mon parcours universitaire lié au monde
anglophone et l’étude approfondie de questions sur la traite des esclaves, le féminisme, et
d’autres questions liées aux discriminations faites à l’humain, j’ai étendu l’application de
l’éthique aux autres espèces et je me suis demandé ce qui était différent dans ces combats ?
C’est ainsi que j’en suis venue à me poser des questions sur le dressage, la captivité, le
commerce des animaux sauvages, etc. Comprendre les tenants et les aboutissants nous tient à
cœur chez Code Animal, c’est pour cela que nous nous focalisons uniquement sur les
problématiques liées à notre thématique (faune sauvage captive) et à toute sa complexité.
Aujourd’hui je suis toujours bénévole de l’association et occupe une activité professionnelle à
côté, comme tous nos membres.
3) Quels combats vous tiennent particulièrement à cœur ?
Parmi les sujets abordés dans notre spécialité, je n’ai pas vraiment un sujet que je porte plus
qu’un autre. Pour moi, ils ont tous comme fond de trame la privation de liberté et individualité
à des êtres vivants pour le plaisir de notre seule espèce. De plus en poussant plus loin mes
réflexions, je me suis rendue compte de notre interdépendance au monde du vivant, notre
espèce, comme toutes les autres fait partie d’un écosystème et dépend de cet écosystème. Le
problème est que nos activités entrainent un dérèglement dans l’équilibre et notre
surconsommation nous conduit à notre perte. La captivité des animaux sauvages est, pour
moi, le sommet émergé de l’iceberg ou l’arbre au premier plan qui cache la forêt derrière. Si
on remet en question notre rapport à l’autre être vivant et qu’on le respecte dans son espace
alors notre espèce ne pourra que mieux s’en porter. La pandémie actuelle de la Covid est une
des conséquences de nos actes et je suis profondément convaincue et angoissée à l’idée que
rien de change et que le business as usual nous revienne dans la figure tel un boomerang.
4) Pour une grande majorité des français, le Gouvernement ne prend pas assez en
compte la protection des animaux, vous qui avez été au cœur du débat ces dernières
semaines qu’en pensez-vous ?
Nous avons été choqués que le Gouvernement dépose des amendements qui affaiblissent la
proposition de loi adoptée à la commission en janvier dernier, lors de la séance publique.
L’amendement 412 par exemple qui remettait en place des listes d’animaux sauvages
autorisés dans les cirques ! Cela a été réellement aberrant ! Nous sommes très heureux que les
députés présents lors de la séance publique aient bien voté contre et que le texte actuel interdit
bien TOUS les animaux sauvages dans les cirques !
Des annonces historiques ont été faites par la Ministre Barbara Pompili mais à l’heure actuelle
pas encore suivies d’actes concrets pour faire appliquer ces annonces.
La condition animale est devenue un réel sujet sociétal et le Gouvernement reste bloqué,
comme incapable de prendre en compte les demandes des citoyens sur des sujets qui semblent
pourtant évidents comme l’arrêt de la castration à vif des porcelets dans les élevages, les
poules en cage, la chasse à courre, la corrida, etc.
Espérons que cela change dans les prochains mois…
5) Quels sont vos plus beaux souvenirs, vos plus belles batailles gagnées depuis la
création de l’association ?
Ce qui est le plus beau dans ce combat est la prise en charge d’animaux et leur sauvetage et
replacement dans des lieux plus adaptés et où leurs besoins et individualités seront respectés.
Sortir des animaux des zoos, du trafic, etc. est toujours un moment émouvant et
l’aboutissement de quelque chose du moins pour ces individus. Mon premier sauvetage était
une lionne – obèse – exploitée dans un cirque, le dresseur a souhaité faire un abandon à
l’amiable et nous avons pu prendre en charge l’animal et l’envoyé chez AAP en Espagne,
notre partenaire. Le dresseur était ému lorsqu’il a vu partir « son » animal et j’ai été touchée
par ce moment, je me suis dit que nos actions pouvaient avoir un impact également sur ces
humains et qu’il fallait le prendre en compte également dans l’équation même si cela ne veut
pas dire qu’il fallait accepter ou tolérer l’exploitation de ces animaux. Chez Code Animal
nous ne sommes pas contre les humains mais contre l’idéologie même, les humains étant
finalement des victimes collatérales de ces systèmes de pensées qui normalisent l’exploitation
d’autres êtres vivants pour du profit et transforment les corps en machines. Cependant, nous
ne nions pas les responsabilités de chacun, bien sûr.
6) Concernant la PPL animaux, sur le nombre de lois proposées et adoptées, à quel
pourcentage estimez-vous la réussite ?
Concernant les chances de réussite d’adoption de la PPL Animaux 3661, nous pensons qu’elle
a de bonnes chances de passer – ce qui serait réellement historique – nous espérons juste
qu’elle ne soit pas affaiblie par les sénateurs lors des séances publiques prochainement. Nous
allons continuer notre travail de sensibilisation avec d’autres associations pour que cette
proposition de loi garde toute sa consistance. Il est grand temps que la France rattrape son
retard sur la condition animale : nous sommes le dernier pays avec l’Allemagne dans l’UE à
encore autoriser l’utilisation des animaux sauvages dans les cirques, et ce malgré l’opposition
de 72% de la population française (sondage IFOP/30 Millions d’Amis 2020).
7) Travaillez-vous avec des interlocuteurs tels que des avocats, des politiques ou encore
des magistrats (des personnes susceptibles de faire avancer les choses juridiquement) ?
Bien sûr, faire avancer le statut de l’animal et la loi pour une plus grande protection des
animaux sauvages exotiques est une de nos missions principales chez Code Animal car nous
sommes convaincus que pour protéger les animaux et changer notre perception de la relation
que nous avons avec eux, il faut faire évoluer la loi et la société !
Nous avons une équipe de juristes bénévoles avec qui nous avons travaillé par exemple sur les
amendements de la proposition de loi comme Alexandra ou encore Anna.
Nous travaillons également avec des parlementaires, élus locaux, membres du Ministère et
Gouvernement, conseillers régionaux, MEPs européens, etc. Notre association est à l’origine
par exemple de la campagne pour des cirques sans animaux et nous avons rassemblée plus de
400 villes qui ont signé notre modèle de vœu symbolique pour l’interdiction des animaux
sauvages dans les divertissements : https://www.code-animal.com/campagne-a-destinationdes-mairies-de-france/
Nous avons également été invité à prendre part pour notre expertise à la commission faune
sauvage captive mis en place par le Ministère de l’Ecologie, dans les groupes de travail cirque
et zoo, dont les travaux ont notamment abouti aux annonces de Barbara Pompili le 30
septembre 2020 : https://www.code-animal.com/la-france-interdit-les-cirques-avec-animauxsauvages/
Notre association fait également partie de la coalition ENDCAP et de l’association Eurogroup
for Animals avec qui nous travaillons au niveau européen pour faire avance la condition
animale !
8) Quels sont vos projets pour les mois à venir ?
Concernant le travail de sensibilisation politique :
A court-terme, nous allons continuer de nous battre pour que la proposition de loi 3661
adoptée à l’Assemblée Nationale en janvier dernier ne soit pas détricotée au Sénat et dans le
processus législatif.
En 2021, nous continuons notre combat pour mettre en place dans la réglementation en
vigueur : la liste positive contre la détention des animaux sauvages chez les particuliers,
l’interdiction des animaux sauvages dans les cirques, la définition d’un sanctuaire et d’un
refuge pour les animaux sauvages.
Concernant le travail de terrain :
Nous souhaitons la fermeture du zoo de l’Orangerie de Strasbourg et le replacement des
animaux du zoo dans des structures plus adaptées. Nous avons également d’autres dossiers
enquête en cours avec les forces de l’ordre. Nous aimerions également la fermeture du zoo
des 3 Vallées dans le Tarn et nous avons d’ailleurs déposé une plainte.
Concernant la sensibilisation publique : nous souhaitons remettre en question la captivité des
animaux sauvages dans les zoos avec des nouveaux dossiers à venir !
Concernant les missions à l’étranger : nous sommes actuellement au Costa Rica avec Sophie
Wyseur la Vice-présidente de l’association pour rencontrer les acteurs locaux engagés dans la
protection de la faune sauvage et plus particulièrement dans les structures d’accueil et de
réhabilitation pour s’inspirer de ce qui se fait sur le terrain et collecter des informations sur le
trafic des animaux sauvages notamment pour le marché des animaux sauvages chez les
particuliers.
9) Souhaitez-vous ajouter quelque chose que nous n’aurions pas abordé dans les
questions précédentes ?
Si vous souhaitez également vous engager dans nos combats, vous pouvez envoyer un email à
info@code-animal.com et si un cirque, zoo ou animalerie se trouve dans votre secteur
géographique et que vous souhaitez nous aider dans nos enquêtes ou nous faire remonter un
signalement vous pouvez également nous contacter. Les témoignages et images nous aident
énormément à enrichir nos dossiers qui, lorsque cela est suffisant, résultent en plainte et, nous
espérons, à la saisie et au replacement des animaux .
Pour agir aux côtés de l’association code animal https://www.code-animal.com/agir/
Interview réalisée par Maud Schwartz, membre du Collectif ACDA.