Intervenante en médiation animale depuis presque vingt ans, j’ai la chance de vivre chaque jour des rencontres extraordinaires, qu’elles soient humaines ou animales. J’ai fondé l’association EVI’DENCE afin de mettre en place des projets favorisant la relation entre tous les êtres vivants. L’association est intervenue pendant des années dans des structures spécialisées auprès de personnes âgées, de personnes « polyhandicapées », d’enfants atteints de mutisme sélectif mais aussi auprès d’autres publics fragilisés. Le but de la médiation animale étant de rechercher et de faciliter des interactions issues de la mise en relation intentionnelle de l’Homme et de l’Animal favorisant ainsi le lien avec la nature. Cette démarche est bien évidement menée dans le respect des besoins fondamentaux de tous ces êtres vivants participants.
En septembre 2008, EVI’DENCE prend un nouveau tournant pour se spécialiser dans la médiation animale en milieu pénitentiaire, une première en France. En effet, c’est suite aux suicides de 2 mineurs incarcérés que j’ai été sollicitée par la Maison d’Arrêt de Strasbourg pour mettre en place des séances de médiation avec l’animal. La Direction de l’établissement souhaitait réduire les tensions, diminuer la violence et ré-humaniser les lieux. . A cette période, oser introduire des animaux dans un milieu fermé comme la prison et croire qu’il y aura des bénéfices pour les personnes détenues, les animaux, les personnels, l’administration pénitentiaire et même la société, était pour nous une évidence, d’où le nom donné à l’association.
En effet, l’animal apaise et ne juge pas, ce qui est très apprécié des personnes détenues pour lesquelles il est un médiateur neutre, un compagnon constant, une source d’affection permanente.
Cette médiation animale en milieu pénitentiaire, aujourd’hui au cœur de l’action d’EVI’DENCE, vise outre les objectifs cités plus haut, à responsabiliser, revaloriser, apaiser et ainsi amener la personne détenue à un changement de comportement qui pourra lui permettre de mieux résister aux tentatives de délinquance qu’elle pourrait rencontrer.
En accompagnant ces personnes, que je ne veux ni juger, ni excuser, j’ai simplement la conviction que les Hommes gardent toujours au fond d’eux une part d’humanité et de lumière, qui ne demande qu’à s’exprimer. Je pense aussi que les animaux peuvent catalyser cette expression.
« L’animal permet de verbaliser ses sentiments, ses émotions, de travailler sur soi et sur les faits qui nous ont amenés à la délinquance… »
Michel, détenu
En 2010, cette expérimentation devient un programme dénommé « L’animal compagnon de réinsertion » primé en 2011 par le 2ème prix « Initiatives Justice ».
Le 1er volet de ce programme est mis en place à la maison d’arrêt de Strasbourg, en partenariat avec l’association TAAC et s’intitule « Humaniser la prison avec l’animal » ou comment un homme et un animal réunis dans l’isolement peuvent s’offrir mutuellement une nouvelle vie ?
Le second volet « Se reconstruire avec l’animal » est quant à lui en cours d’expérimentation et fera l’objet d’une présentation ultérieure..
Actuellement ce sont 30 heures d’intervention en médiation animale par semaine: groupes de parole animés par nos intervenantes, accompagnées de leurs animaux facilitateurs de communication qui permettent d’aborder différents sujets par le biais émotionnel et comportemental. Des passerelles se créent entre le détenu et l’animal grâce à la prise de conscience émotionnelle de situations analogues.
« Vous m’avez appris le respect des êtres vivants »
G. Détenu
Ce sont aussi trois locaux installés dans les quartiers des hommes et des femmes, entièrement dédiés à la présence permanente d’une trentaine de petits animaux domestiques adoptés. Pour la plupart d’entre eux, ces animaux ont connu une souffrance et bien souvent ont été abandonnés. Chaque animal devient le compagnon de soutien d’un détenu dit « référent ». Celui-ci prend en charge et est responsable de son animal (soins, entretien, nourriture). Le symbole est fort : les détenus jugés pour avoir fait du mal à autrui, s’occupent ici de victimes… Comme ce petit cochon d’inde, maltraité et abandonné que j’ai recueilli et confié à un détenu. En quelques semaines son comportement a changé, il est devenu plus affectueux, moins sauvage et reprend confiance en l’humain. Tous les deux pansent leurs blessures respectives et se reconstruisent ensemble.
Cette action permet également aux personnes détenues d’engager elles-mêmes une prise de conscience et un début de travail personnel au travers de deux processus clé : la responsabilité qu’elles développent vis-à-vis de l’animal et la confiance que l’animal leur accorde.
« Vous et vos animaux m’avez emmené vers la liberté de mon esprit. Merci pour ce que vous m’avez apporté tout au long de ces mois les plus sombres de ma vie… »
FRED, détenu
L’animal facilite l’interaction entre les personnes présentes et permet d’installer plus rapidement un lien de confiance. Il amène de l’apaisement et libère la parole.
Ainsi, en développant ce lien avec l’animal, au fil des séances, la personne détenue se responsabilise (nécessité d’être présent à la séance, de tenir compte de l’animal), acquiert une meilleure image d’elle-même (capacité à prendre soin de l’autre, voir que l’animal le reconnait, …) de manière à lui permettre d’être plus ouverte à l’accompagnement qui lui est proposé.
De par son authenticité et son non-jugement, l’animal favorise également le travail de l’intervenante et de facto l’accompagnement des autres professionnels associés à ce projet.
Pour chaque personne détenue, l’animal devient un être vivant unique avec lequel elle pourra nouer un lien singulier, créer une alliance de vie et se réaccorder à son humanité.
Patricia ARNOUX
Intervenante et Directrice de l’association Evi’dence
Co Auteure du livre « Des animaux pour rester des Hommes »avec Sabine Zinck (crédit photos et textes)
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